Les péchés du all-inclusive

Le buffet du all-inclusive fait face aux invités, dont le principe même renvoie à ce qui serait le pire des péchés capitaux : la gourmandise.

Le visiteur a payé – parfois cher – pour se retrouver devant dans pareil complexe et devant pareil festin, dès lors se pose la question : pourquoi tant de retenue, pourquoi faudrait-il seulement se priver, pourquoi ne manger qu’avec les yeux, tandis que cette quantité démesurée de food défile devant nos yeux émerveillés ?

Frites, pâtes, riz, saucisses: ici le voyageur ne goûte pas ou peu, il bouffe.


De côté gauche du banquet les frites, qui font face aux chicken nuggets ; plus loin les nouilles opposées aux tranches de porc ; un peu à l’écart le riz cantonais qui gamberge proche des saucisses ; tout au fond le fameux buffet de desserts dont on a secrètement rêvé, celui-là même qui désormais trône – majestueusement sucré – devant nos yeux devenus addictifs.

Nous sommes en Grèce.

Et pourtant, vu la composition du buffet, nous pourrions être à Frankfort, Paris, Londres ou Moscou.

Nous sommes en Grèce et pourtant le plat de tzatziki reste intouché, le dakos sèche alors que le plat de pain blanc est continuellement achalandé par le personnel qui fourmille, la feta est délaissée pour remplir les salades du lendemain.

Ici, le voyageur ne goute pas ou peu.

Le voyageur ne savoure pas.

Il bouffe.

Il bouffe, surtout des aliments qui composent son quotidien, son train-train, qu’il soit de Frankfort, Paris, Londres ou Moscou.

Pourtant au moment de la réservation dans le complexe all-inclusive, les intentions étaient bonnes, promesse était faite de tout goûter, d’offrir à nos papilles des saveurs nouvelles, mais très vite ce buffet nous renvoie à nos acquis, très vite le visiteur replonge – vive les (mauvaises) habitudes.

Au revoir les promesses, on remet ça à la rentrée, promis on serrera la ceinture.


Et on en rajoute même une couche : on profitera du all-inclusive pour manger, beaucoup.

Et parfois même vite, tout ça car le petit dernier ne tient pas en place à table, lui qui veut immédiatement passer au dessert ; mais voilà que papa n’a pas encore entamé les frites après avoir ensilé les pâtes – alors on sort l’arme fatidique : la tablette.

L’écran s’invite à table non pas pour animer la discussion mais pour la calmer, les parents gagnent 30 minutes de quiétude et de libre-accès au buffet, la piscine attendra au bénéfice de vidéos Youtube, ensuite on cherchera à éviter la baignade à tout prix, non pas que la chaleur y soit excessive, peut-être serait-ce simplement la digestion qui coince, on sautera la séance de natation du petit, on lui enfilera les manchons pendant que papa fera sa sieste.

Le all-inclusive, un choix.

Certains le font par convenance, toute l’année on prépare à manger aux miteux, le triumvirat féculent-légume-eau, une semaine par année on peut se laisser aller, la petite prendra deux Cocas par jour, se servira trois fois de pâtes à midi. Tant pis.

Certains font le choix du all-inclusive par facilité, toute l’année on s’en fiche de ce qu’ils ensilent, les gamins, le triumvirat féculents matin-midi-soir pour une semaine de plus qu’importe, comme promis on serrera la ceinture dès la rentrée, s’en sera terminé des Fantas au déjeuner (ah, ce n’est pas du jus d’orange?!) et des barres de chocolat après les croissants au beurre et le cacao double dose.

C’est que le all-inclusive, il faut en profiter.

Coûte que coûte.

Les premiers essaient toutes les piscines, le beach volley et la séance de sport collective. Les seconds essaient les pizzas, les pâtes, le riz et les saucisses, juste avant le pop-corn.


Les premiers essaient toutes les piscines, le beach-volley, on fait des longueurs dans la piscine, on rejoint la séance de sport collective de l’après-midi, on monte les escaliers à la force des mollets et on interdit l’ascenseur, on va acheter un ballon pour garder la forme, on est à la salle de sport dès potron-minet.

Les seconds doivent essayer tous les plats, mais surtout pas les spécialités locales, ce sera plutôt les frites après les pizzas et avant les pâtes (le summum de l’efficacité : les deux tranches de pizza qui recouvrent son assiette qui déborde), après l’entrée on prend quand même les popcorns, on fait des milliers de kilomètres en business class pour se retrouver devant la même assiette low cost que chez soi.

Et puis dès lors la question qui se pose : pourquoi l’alcool n’est-il pas servi avant 11:00 heures, tandis que les enfants peuvent librement boire 5dl de Coca dès 8:00? Les effets du sucre seraient-il moins nocifs que ceux de l’alcool ?

Oui, du all-inclusive, il faut profiter.

Coûte que coûte.

Il parait que la luxure est aussi un péché capital. Que l’on soit de Frankfort, Paris, Londres ou Moscou.

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