Et la carrière dans tout ça?

Signal de Bougy.

Place de jeu s’il en est, ripolinée au produit Migros, lieu de détente, zéro bagnole, aucun pendulaire, pas un travailleur – hormis les cols bleus carburant au café à bon prix, les cols blancs au Wifi gratuit.

Au Signal de Bougy, bébés qui piaillent, enfants qui piaffent, les effets des boissons sucrées palpitent les cœurs amoureux des bambins qui jouottent sous l’œil parfois rigide, parfois laineux des mamans qui guettent : au loin l’une demande à Léon de ne pas grimper le toboggan à l’envers pendant qu’Apolline ne partage pas la tyrolienne.

C’est oui à tout (Apolline) ou non à tout (Léon), oui maman décide de tout.

Papa non, car il n’est pas là.

C’est oui à tout ou non à tout, oui maman décide de tout ; papa non, car il n’est pas là.


Il travaille.

Il bosse.

Il assure la retraite.

Il gagne la croute, la fameuse.

Maman, sa carrière fut brisée par ce deuxième accouchement – on voulait un petit frère on a eu des jumeaux –, elle n’a repris la vie professionnelle qu’à peu près, un petit 30-40% grosso modo, un job peu passionnant mais entretenant, un taf qu’on abhorre mais qu’importe, on garde un pied dans le métier, on maintient les contacts et son réseau, on reprendra plus tard une carrière glorieuse, gagner sa propre croûte c’est tant valorisant, même si c’est pour assurer le financement du tour du monde à la retraite, la Rolex à 50 piges, le chalet dans les Préalpes une fois la retraite justement arrivée, à 63 ou 65 ans on ne sait plus vraiment.

Gagner sa propre croûte c’est tant valorisant, même si c’est pour assurer le financement du tour du monde et le chalet dans les Préalpes une fois la retraite arrivée, à 63 ou 65 ans on ne sait plus.


Au Signal de Bougy, mardi des vacances d’été c’est cliché : 20 mamans, 0 papa.

Alors, post-COVID et en pleine Great Resignation, vaut-il mieux assurer sa carrière, les promotions et les augmentations, la retraite et la caisse de pension, garantir les fonds propres pour construire la piscine dans le jardin et installer les panneaux solaires ; bosser dur pour conserver ce pouvoir d’achat et le rythme de vie idoine ; cravacher pour se réserver la meilleure partie du bœuf à la boucherie du coin, on veut la dernière Tesla, salut les gars.

Ou vaut-il mieux voir Léon grandir, l’aider aux devoirs, le guider dans la vie, lui apprendre à faire les nœuds de ses godasses, le voir écrire ses premiers mots, griffonner ses premiers dessins, danser avec lui dans le salon au son de Soprano, lui apprendre les règles du Monopoly et à tricher, l’amener à l’entraînement de foot, salut les mamans.

Les femmes, elles ont la carrière brisée par les enfants.

Les papas, eux, bien souvent ne les voient même pas grandir.

Le Signal de Bougy, paradis des parents, ou serait-ce celui des mamans?

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