Vivre sans lui

Tout d’un coup j’étais nue.

Vidée de tout.

Je n’avais plus rien, il n’était plus là pour me sécher les larmes ; j’en étais condamnée à regarder tout droit dans le vide, toute seule, à défaut de le trouver, lui, a portée de main.

Lui.

Lui.

Lui…

Mes proches aussi, désormais étaient loin de tout. Injoignables. Invisibles. Inatteignables. Je ne savais plus rien d’eux. Mes meilleures amies soudain devenus muettes, les milliers d’amis listés sur Facebook absents. Je rêvais de revoir ces fameuses photos de vacances sur mon fil d’actualité, les photos des assiettes du restau que jadis j’abhorrais, aujourd’hui me manquaient.

Je n’avais plus rien, il n’était plus là pour me sécher les yeux ; j’en étais condamnée à regarder tout droit dans le vide, toute seule, à défaut de le trouver, lui, a portée de main.


Je me sentais apatride.

Je n’étais plus associée à quoi que ce soit.

« On dit que l’homme ne voit que ce qu’il n’a pas », me souviens-je soudain, sans savoir qui avait osé la citation, peut-être était-ce Lamartine.

J’étais déconnectée.

De ma famille. Du monde. De la toile. Même du métavers.

Pourtant, je n’avais rien fait.

Justement: je n’avais rien fait. « Pourquoi moi ? », me morfonds-je donc in extenso.

J’en étais carrément condamnée à regarder mes mains, vides. A défaut de pouvoir le toucher, lui, je m’attaquais à mes ongles, à me cheveux. Je rêvais simplement de le revoir s’illuminer à la simple vue de mon visage, ou alors de le revoir s’illuminer, comme à nos débuts, lorsque mon doigt le flirtait.

Comme avant.

Il fallait que je palpe quelque chose à défaut de pouvoir le toucher, lui. Lui. Je rêvais de le revoir s’illuminer à la vue de mon visage, ou encore simplement lorsque mon doigt le flirtait. Comme avant.


Sera-ce un jour comme avant ?

J’aurais beaucoup donné pour revenir au monde d’avant.

Subitement je me rendis compte que cette séparation m’avait également ruinée. Pas un copeck en poche, plus un radis, la banqueroute, tout m’avait été retiré en un tournemain. Déconnectée de tout, j’étais en plus sans le sou.

Lui.

Lui.

Comment vivre, sans lui ?

Qui plus est, impossible de travailler sans lui. Il me fallait son aval pour démarrer ma journée, il était ma double-vérification. Il était mon second, mon miroir, mon moi, ma personnalité doublée, mon deuxième, mon avatar et mon binôme, mon adjoint et mon amoureux — bien trop souvent on s’endormait main dans la main — il était moi en mieux, il était ma meilleure moitié. Mon précieux, mon amoureux.

Lui.

Lui.

Lui ?

Mon smartphone.

Pendant quelques heures, j’ai vécu sans mon smartphone.

Pendant quelques heures, j’ai vécu dépourvue de tout.

Et lorsqu’il reprit miraculeusement vie, le lendemain matin, je me savais nomophobe. Et c’est lui qui me l’avait appris.

 

 

A noter que le féminin a été choisi dans ce texte, sur ce blog le genre est défini en alternance.

La nomophobie. Non plus par choix, souvent par nécessité.


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